En France, lorsque 100 euros de richesse sont créés, environ 14 euros sont consacrés aux retraites. L’idée avancée par certains responsables est de se demander si nous serions prêts à passer à 14,50 euros pour garantir un meilleur niveau de vie aux retraités.
Mais une question précède toutes les autres: que représentent déjà ces 14 euros prélévés sur 100 euros de richesse créée, et jusqu’où peut-on aller sans fragiliser le tissu économique et l’emploi ?
14 % du PIB : un effort déjà considérable
Les dépenses de retraite représentent en France autour de 13,5 à 14 % du PIB. C’est l’un des niveaux les plus élevés d’Europe. Concrètement, près d’un quart de la dépense publique française est aujourd’hui liée aux retraites.
Derrière ce pourcentage, il y a :
- des milliards d’euros engagés chaque année pour financer les pensions ;
- un système qui repose très largement sur le travail : salaires, cotisations des entreprises, contributions des indépendants.
50 centimes de plus… ou 15 milliards de plus ?
Passer de 14 à 14,5 % de la richesse nationale, ce n’est pas seulement « 50 centimes » de plus pour 100 euros de PIB. À l’échelle d’une économie comme la France, cela représente environ 0,5 point de PIB, soit près de 15 milliards d’euros supplémentaires par an.
Ces 15 milliards doivent venir :
- soit de prélèvements supplémentaires (cotisations, impôts, contributions diverses) ;
- soit d’arbitrages au détriment d’autres politiques publiques (santé, éducation, sécurité, transition écologique, soutien aux collectivités, etc.).
La vraie question est : qui paie, comment, et avec quelles conséquences sur l’économie réelle et les finances publiques ?
Un financement largement porté par le travail et les entreprises
Le financement des retraites repose principalement sur les cotisations sociales assises sur les salaires :
- part patronale versée par les entreprises ;
- part salariale prélevée sur le salaire brut ;
- complétées par des impôts et contributions (CSG, transferts budgétaires, etc.).
Pour un dirigeant, cela se traduit chaque mois par :
- un écart important entre le « coût total » du salarié et son salaire net ;
- une marge de manœuvre réduite lorsqu’il s’agit de recruter, d’augmenter une rémunération ou de conserver des emplois en période de tension.
Côté élus, nationaux et locaux font face à plusieurs impératifs :
- maintenir un niveau de pension digne pour les retraités, souvent résidents de leurs territoires, électeurs et usagers des services publics ;
- préserver la crédibilité financière de l’État et des régimes de retraite, dans un contexte de dette et de contraintes européennes ;
- soutenir l’activité économique locale, dont dépendent l’emploi, les recettes fiscales et la cohésion sociale.
Une hausse des dépenses de retraite peut répondre à un objectif budgetaire légitime, mais elle pose immédiatement la question des compensations : où réduire, où augmenter, qui contribuerait davantage ?
Côté entreprises, les entrepreneurs, eux, voient surtout :
- la progression globale des charges (salaires, énergie, loyers, assurances, financements, normes) ;
- la difficulté à repercuter ces coûts sur leurs prix de vente dans un marché très concurrentiel ;
- la crainte que chaque « ajustement » national se traduise par une ligne de plus sur les charges sociales.
Pour beaucoup, le sujet n’est pas de contester la nécessité de financer les retraites, mais de savoir jusqu’où l’on peut pousser le curseur sans casser la dynamique d’investissement et d’emploi sachant qu’en France la fiscalité est la plus forte du monde...
Trois questions à régler avant d’augmenter encore l’effort
Avant d’ajouter 0,5 point de PIB aux retraites, plusieurs questions factuelles méritent d’être clairement traitées.
Le niveau actuel est-il soutenable dans la durée ?
Les projections démographiques montrent un vieillissement de la population. À niveau de dépenses constant (environ 14 % du PIB), l’équilibre du système repose déjà sur des choix forts : allongement des carrières, évolution de l’âge effectif de départ, ajustement du niveau de pension. Ajouter un effort supplémentaire suppose de vérifier la soutenabilité budgétaire et économique.
L’effort est-il équitablement réparti entre les acteurs ?
Cotisants du privé, agents publics, indépendants, contribuables… La répartition de l’effort entre régimes et catégories professionnelles doit être lisible et perçue comme équitable, pour ne pas fragiliser l’adhésion au système.
Avant d’augmenter, toute entreprise comme tout élu pose la question de l’efficience :
- gouvernance claire des régimes ;
- transparence sur les flux financiers ;
- réduction des coûts de gestion ;
- stabilité des règles dans le temps.
Un euro supplémentaire pour les retraites n’a de sens que si les euros déjà engagés le sont de manière efficace et transparente.
Une exigence commune : transparence et évaluation
En d’autres termes, légitimer ou non 50 centimes de plus suppose d’abord de regarder en face les 14 euros déjà prélevés : combien coûtent-ils, que financent-ils, et quelles sont les marges d’optimisation possibles avant de solliciter davantage les entreprises et les contribuables ?
Conclusion :
Garantir des retraites décentes est un choix de société auquel peu de responsables publics ou économiques sont opposés. Mais la manière de le faire, le rythme et le niveau de prélèvements constituent un choix économique majeur.
Pour l'Etat, il s’agit, sous couvert de préserver la solidarité nationale, de la soutenabilité des finances publiques déficitaire depuis tant d'années.
Pour les dirigeants d’entreprises, il s’agit de continuer à financer ce système sans étouffer l’investissement, l’emploi et la croissance qui le rendent possible.
Avant d’ajouter « 50 centimes de plus », le débat mérite donc d’être posé clairement : que faisons-nous déjà avec les 14 euros prélevés et comment mieux les utiliser ?
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