Le drame de la précarité alimentaire

Travailler et avoir faim : une réalité pour plus d’un actif pauvre sur deux et près de 10 % des actifs en France.
 

En 2025, avoir un emploi ne garantit plus un accès suffisant à la nourriture. Andès, l’association nationale des épiceries solidaires, publie un baromètre inédit, réalisé avec Ipsos, qui met en lumière l’ampleur du phénomène des travailleurs pauvres. Les 1000 actifs répondants sont en situation d’emploi précaire (CDD, contrat aidé, apprentissage ; intérim ; temps partiel subi ; indépendant) et/ou sous le seuil de pauvreté (établi par l’Insee à 60 % du niveau de vie médian de la population).
 

Les chiffres sont alarmants : 53 % des travailleurs pauvres déclarent ne pas manger à leur faim, 40 % sautent régulièrement des repas, et 77 % redoutent une plus forte précarité encore dans les mois à venir. Cette enquête met en lumière un phénomène social invisible : l’insécurité alimentaire touche également celles et ceux qui travaillent.

Face à l’inflation, aux contrats précaires et aux revenus fragiles, l’alimentation devient le révélateur implacable de la précarité.

Les personnes concernées ne sont pas sans emploi. Elles perçoivent des revenus faibles ou exercent dans des conditions instables (contrats courts, temps partiels subis…). Ces emplois fragiles les exposent à des privations alimentaires quotidiennes.
Andès entend ainsi souligner cette dimension souvent occultée de l’aide alimentaire : celle des travailleurs pauvres, qui, malgré leur emploi, ne parviennent plus à se nourrir correctement.

 

Les travailleurs pauvres subissent des parcours d’emploi morcelés et instables. 21 % ont connu le chômage ces deux dernières années (contre 16 % pour l’ensemble des actifs), 20 % ont été confrontés à des difficultés familiales affectant leur emploi, et 14 % ont dû prendre un congé pour s'occuper d’un proche (contre 7 %).
Près de 60 % ont accepté des temps partiels ou des horaires atypiques par nécessité,
et 36 % cumulent plusieurs emplois. Cette précarité prolongée impacte leur santé : 80 % ont ressenti de l’anxiété ou de la nervosité au cours de l’année écoulée, 75 % se déclarent en mauvaise forme, et 45 % anticipent une détérioration de leur santé.

Le budget alimentaire est devenu une contrainte brutale : 83 % des répondants ont réduit leurs dépenses alimentaires cette année. Leur budget hebdomadaire ne suffit pas à couvrir le panier de courses de base.
L’alimentation, autrefois source de plaisir, devient désormais une source de stress et de privation.


Manger sous contrainte

L’alimentation des travailleurs précaires est marquée par la contrainte. 74 % consomment principalement des féculents, non pas par choix mais par obligation
69 % estiment qu’une alimentation saine est trop coûteuse, et deux tiers déclarent ne pas pouvoir manger suffisamment de fruits, de légumes frais ou de protéines animales.

Les produits festifs, comme le chocolat ou la viande de qualité, sont devenus inaccessibles, rendant la diversité alimentaire un luxe inaccessible.

Les parents interrogés dressent un portrait préoccupant de l’alimentation de leurs enfants : 61 % ne peuvent leur offrir des aliments plaisirs, 34 % limitent leurs portions, et 27 % ne peuvent pas nourrir leurs enfants à leur faim.

Certaines stratégies s’imposent : 22 % des parents conseillent à leurs enfants de « manger le plus possible à la cantine » pour compenser les manques à la maison.
Les repas des enfants sont eux aussi marqués par la répétition et la pauvreté nutritionnelle : 63 % sont essentiellement nourris de féculents, et 60 % ne mangent pas de manière variée.

Cuisiner au quotidien devient un défi pour de nombreux travailleurs pauvres. 36 % trouvent cela difficile. Le manque de temps (45 %), la solitude (37 %), la fatigue ou le manque d’équipement (25 %) sont des obstacles récurrents. Résultat : 23 % se nourrissent fréquemment de plats préparés ou de restauration rapide, un chiffre qui grimpe à 29 % chez les hommes et à 34 % chez les moins de 35 ans.

Malgré l’urgence de la situation, seuls 36 % des travailleurs pauvres ont recours aux aides alimentaires. Ce faible recours s’explique par le sentiment d’inéligibilité (56 %), le manque d’information (64 %), ainsi que la gêne et la honte à demander de l’aide (32 %).
Cependant, ceux qui ont eu recours aux épiceries solidaires, en ressortent satisfaits : 73 % ont mieux géré leur budget alimentaire, 69 % ont eu accès à des produits frais, 62 % ont amélioré l’équilibre de leur alimentation, et 65 % ont retrouvé de la confiance en leurs capacités à surmonter les difficultés.

   
 

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