Sortie de route possible pour la filière auto

Le secteur automobile devra s'adapter à la mobilité électrique. Une transition à haut risque. 

L’interdiction de la vente de véhicules à essence ou diesel neufs, y compris hybrides, en 2035 dans l’Union européenne fait planer un véritable risque de marché, souligne Xerfi dans sa dernière étude : « Le marché automobile face au big bang de la mobilité électrique - Scénarios à 2034 – Analyse des stratégies des acteurs – Impacts sur la filière et le jeu concurrentiel en France », signée Pierre Paturel.

Sauf rupture technologique majeure, les véhicules électriques (VE) seront encore longtemps plus chers à l’achat et moins pratiques d’emploi, du moins pour les trajets longue distance, que leurs équivalents thermiques. Cette interdiction se traduirait néanmoins par une transition très rapide en faveur des voitures 100% électriques, dont la part de marché pourrait atteindre 75% des ventes de voitures neuves (VN) en 2034 dans l’Hexagone. Mais surtout, elle réduirait nettement la taille du marché automobile. France Stratégie prévoit ainsi une chute de 25% des ventes de voitures neuves d’ici 2030.

Une solution à nombre de problèmes (prix, autonomie, temps de recharge, impact environnemental…) serait l’industrialisation à très grande échelle des batteries dites « tout solide », une technologie de rupture promise par certains mais encore au stade de prototype et dont la démocratisation d’ici 2035 est loin d’être assurée. Dans ce contexte, les experts de Xerfi Precepta privilégient le scénario selon lequel le calendrier sera adapté, en prolongeant par exemple la vente d’hybrides, pour éviter de fragiliser l’ensemble de la filière automobile. Sur cette base, la motorisation 100% électrique représenterait alors 50% des ventes de véhicules particuliers (VP) neufs et 40% des ventes d’utilitaires (contre respectivement 13% et 5% en 2022) ainsi qu’environ 30% de véhicules à hydrogène utilitaires d’ici 2034 en France, selon les calculs des experts de Xerfi Precepta.

Les marques chinoises attendues au tournant

Faute de compétitivité, les VE sont largement subventionnés. Sauf que ces aides à l’achat profitent aussi directement à la concurrence étrangère comme Tesla et surtout aux marques chinoises comme BYD, leader mondial de l’électrique, MG, Ora ou encore Seres. Pour ces dernières, la politique européenne en faveur de l’électrique est comme un cheval de Troie, un moyen de s’engouffrer sur des marchés jusque-là inaccessibles. L’avance des constructeurs chinois sur l’électrique s’explique par une maîtrise totale de la filière des et une politique de subventions massives de l’État. 

Forte de ces atouts, l’industrie automobile chinoise est partie à l’assaut du monde dès 2020. Et en trois ans l’Empire du Milieu s’est hissé au rang de premier exportateur de véhicules au monde en volume. Un succès rendu possible grâce à l’essor de marques chinoises (MG a par exemple déjà pris 8% de part de marché sur l’électrique en France) et par l’exportation de véhicules de marques occidentales (Tesla, Dacia…). La Chine est également devenue une terre d’accueil pour les constructeurs occidentaux exportateurs de VE. Ces nouvelles marques chinoises sont accueillies à bras ouverts en Europe par les concessionnaires (mis sous pression par les constructeurs historiques) et les acheteurs (attirés par la meilleure compétitivité-prix des voitures). 

 

Mais la France n’entend pas se laisser faire. Le pays prévoit de fait une riposte réglementaire avec le projet de conditionner le bonus écologique à la localisation de la production. Les pouvoirs publics espèrent ainsi protéger l’industrie locale (du moins européenne) et inciter les nouveaux entrants étrangers à ouvrir des usines sur le territoire. Le gouvernement espère ainsi convaincre Tesla et/ou BYD d’implanter une vaste usine d’assemblage dans l’Hexagone. Pour assurer la compétitivité du futur écosystème national, le maintien d’une politique de subventions d’ampleur pour construire une solide filière des batteries sera une condition sine qua non. Déjà, quatre projets de gigafactories ont été officialisés pour un total potentiel de plus de 128 GWh de capacité annuelle et 10 000 emplois d’ici 2030. 

Accélérer dans le réseau de recharge publique

Aujourd’hui, l’accessibilité du réseau de recharge est un réel frein à l’achat de VE. Plusieurs profils d’acteurs se sont ainsi lancés dans le développement d’un réseau public en s’adossant à des spécialistes de l’installation et gestion de bornes (comme Carrefour ou Casino par exemple) ou en se déployant en propre (comme Renault avec Mobilize). Plusieurs facteurs plaident toutefois pour une consolidation du marché de la recharge publique, de l’avis des experts de Xerfi Precepta. En effet, le chemin de la rentabilité sera encore long pour les exploitants de bornes de recharge. Par ailleurs, le marché est très atomisé, l’intensité concurrentielle y est forte et les bons emplacements seront de plus en plus rares. Seuls les acteurs capables de supporter des pertes importantes pourront alors survivre sur ce marché. Dans ce contexte, les pétroliers (comme TotalEnergies) ou encore les géants du BTP/concession et de l’énergie (hors pétrole) (Bouygues ou EDF par exemple) sont bien placés pour s’imposer. 

 

Pour vendre des voitures électriques, les constructeurs doivent eux intégrer toujours plus la filière en amont. Et ils ne ménagent pas leur peine pour produire des batteries, des moteurs électriques et même investir dans la fabrication de semi-conducteurs et l’extraction de matières premières pour batteries. C’est la seule façon de défendre leurs avantages compétitifs et sécuriser leurs approvisionnements. Sauf qu’ils ne peuvent pas forcément assumer seuls cette coûteuse transition. Ils actionnent par conséquent plusieurs leviers : création de co-entreprises (à l’image de Stellantis), prise de participations minoritaires (à l’instar de Renault), alliances technologiques ou encore augmentations de capital. Face au mur d’investissements qui se profile, les constructeurs ne sont par ailleurs à l’évidence pas pressés d’abandonner le thermique et l’hybride, une « vache à lait » indispensable pour financer la transition vers l’électrique. 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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