Retards de paiement : vos clients se financent sur votre dos?

Les chiffres sont tombés, et ils ne laissent aucun doute : en 2025, la France bat des records… de retards de paiement. En moyenne, les factures sont payées avec plus de 14 jours de retard, et moins d’une entreprise sur deux règle ses fournisseurs à l’heure. Devinez qui trinque en premier ? Vous, les patrons de TPE, qui faites tourner la boutique sans caisse noire, sans trésorier, sans coussin de cash.

Un « sport national » payé par les plus petits

Les études d’Altares et de l’Observatoire des délais de paiement sont formelles :

  • Retard moyen autour de 14,1 jours au 1ᵉʳ semestre 2025,
  • Avec des secteurs qui explosent les compteurs : immobilier, textile, e-commerce, santé, hôpitaux…

Dans les tableaux, on parle de « jours de retard ». Dans la vraie vie, pour vous, ça s’appelle :

  • Salaire du 5 du mois qui passe ric-rac,
  • Urssaf qu’on paye en deux fois,
  • Banque qui commence à tousser sur la ligne de découvert.

Pendant ce temps, les grands donneurs d’ordre – groupes, grosses ETI, parfois même l’État et ses satellites – s’achètent le luxe de payer quand ça les arrange. On appelle ça « gestion de trésorerie ». Si vous faisiez la même chose avec vos cotisations, cela s’appellerait « retard de paiement », avec pénalités à la clé.

 

Un impôt caché sur les TPE ?

L’Observatoire des délais de paiement de la Banque de France estime que sans ces retards, les PME/TPE disposeraient de 15 milliards d’euros de trésorerie en plus. Quinze milliards qui dorment dans les caisses des clients, au lieu de circuler dans la vraie économie – la vôtre.

Pour une TPE, le calcul est brutal :

  • Une facture de 8 000 € payée 30 jours en retard,
  • C’est parfois tout votre mois de charges fixes qui part en apnée,
  • Et une banque qui vous fait payer des agios… parce que vos clients, eux, ont décidé de ne pas respecter leurs engagements.

Soyons clairs : c’est un transfert massif de risque et de coût vers les plus petites structures, celles qui n’ont ni direction juridique, ni service recouvrement, ni trésorier pour ferrailler.

 

Retard de paiement, première marche vers la défaillance

En parallèle, les statistiques de défaillances repartent à la hausse : autour de 68 000 entreprises en faillite sur 12 mois à fin septembre 2025 delon la Banque de France, et désormais au-dessus de la moyenne d’avant-Covid. Les plus fragiles ? Microentreprises, artisans, TPE.

Sur le papier, la cause officielle est « conjoncturelle » : consommation en berne, incertitude politique, crédit plus rare.
Dans les dossiers sur la table des tribunaux, le scénario est souvent le même :

  • un client important paie de plus en plus tard,
  • vous tirez sur le découvert,
  • la banque resserre,
  • une autre facture saute…
  • et on bascule en procédure.

Le retard de paiement, ce n’est pas un simple désagrément : c’est souvent l’étincelle qui met le feu à la poudre.

 

On vous demande d’être irréprochables… mais pas vos payeurs
On vous explique toute la journée que :

  • vos factures doivent être conformes,
  • vous devez payer vos charges à la minute près,
  • vous devez être « responsables », « résilients », « agiles ».

Mais quand un grand client ou une administration règle avec 20 jours de retard, où sont les sanctions réelles ?

  • Les lois sur les délais de paiement existent,
  • les pénalités sont prévues,
  • les communiqués ministériels sont impeccables…
    … sauf que sur le terrain, rares sont les TPE qui osent les appliquer à un gros client, de peur de se voir « déréférencées » au prochain appel d’offres.

Résultat : le risque est privatisé sur les petits, la liberté est laissée aux gros.

 

Patron de TPE : des armes existent, servez-vous-en
Même dans ce rapport de forces déséquilibré, vous n’êtes pas complètement désarmé. Quelques réflexes concrets, ici et maintenant :

1. D’abord, vous protéger contractuellement

  • Inscrivez clairement les délais de paiement sur vos devis et factures.
  • Faites figurer les pénalités de retard et l’indemnité forfaitaire de 40 € : ce n’est pas de la brutalité, c’est la loi.
  • N’ayez plus peur de refuser un chantier si les conditions de paiement sont délirantes (90 jours « fin de mois », par exemple).

2. Industrialiser les relances
Ne laissez plus filer trois semaines « pour voir ». À J+1 de retard :

  • un mail factuel,
  • à J+5, un appel,
  • à J+10, un courrier plus ferme.

Ce n’est pas être « agressif », c’est simplement rappeler que votre travail mérite d’être payé dans les délais.

3. En cas de blocage, faire jouer la médiation
Le Médiateur des entreprises, rattaché au ministère de l’Économie, peut intervenir gratuitement et de manière confidentielle en cas de :

  • retards de paiement,
  • retenues injustifiées,
  • clauses déséquilibrées,
  • rupture brutale de contrat, etc.

Vous pouvez le saisir en ligne, en tant que TPE, sans avocat, et faire porter la discussion à un niveau où votre client devra, lui aussi, rendre des comptes.

4. Rompre la dépendance à un seul « gros » client
C’est plus facile à écrire qu’à faire, mais vital :

  • un client = jamais plus de 25 ou 30 % de votre CA,
  • au-delà, vous ne vendez plus un service, vous fournissez un quasi-monopole… sans aucune des protections d’un salarié.

 

Ce qu’il faudrait changer (vite)
Côté politique, les rapports alarmants s’empilent, les conférences se succèdent, les promesses aussi. On parle de :

  • sanctions proportionnelles au chiffre d’affaires pour les grands retardataires,
  • publication des « mauvais payeurs » par secteur,
  • dispositifs d’affacturage publics pour les plus petites boîtes.

Très bien. Mais pendant que les textes circulent entre commissions et cabinets, vous, vous avez la paie de fin de mois à sortir.

Alors soyons clairs :

  • non, ce n’est pas à vous, patron de TPE, de financer la trésorerie des grands groupes ;
  • non, ce n’est pas « normal » d’attendre 60 jours pour être payé d’un chantier réalisé en temps et en heure ;
  • oui, vous avez le droit – et même le devoir – de dire stop, de facturer des pénalités, de saisir la médiation, de changer de client quand c’est possible.

Ne plus subir, collectivement
Isolé, chaque patron de TPE se dit : « Je vais encore encaisser, je n’ai pas le choix. »
Collectivement, c’est tout un tissu économique qui se fait siphonner sa trésorerie par le haut.

Parlez-en autour de vous : à votre expert-comptable, à votre syndicat patronal, à votre réseau d’entrepreneurs.

  • Faites remonter les dossiers problématiques,
  • utilisez les dispositifs existants (médiation, mises en demeure, actions collectives quand c’est possible),
  • refusez que la norme devienne le paiement en retard.

Parce qu’au fond, la question n’est pas seulement économique.
C’est une question de respect : le respect du travail de ceux qui prennent des risques, embauchent, paient des loyers, des charges et des impôts… souvent avant même d’avoir été payés.

 

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