Radioscopie de la dette

On ne cesse de parler de l’endettement de la France, mais de quoi s’agit-il exactement ?

Selon les chiffres d'Eurostat, l'office européen des statistiques, la dette publique française, rapportée au PIB, a atteint 114,1% au premier trimestre 2025, soit le troisième taux le plus élevé en zone euro, derrière l'Italie (137,8%) et la Grèce (152,5%). En Belgique et en Espagne, la dette s'établit à environ 100% du PIB. Tous ces pays se situent au-dessus de la moyenne de la zone euro (88%).

La situation française n'est pas très éloignée de celle des États-Unis (environ 120%) et très en deçà de celle du Japon (plus de 200%).

En valeur absolue, et pour la zone euro, la France détient la dette publique la plus élevée : elle s'élève au premier trimestre 2025 à 3 345 milliards d'euros et se place devant l'Italie (3 033 milliards). L'Allemagne, avec le plus grand PIB en zone euro, arrive en troisième position, avec 2 698 milliards d'euros.

La dette française s'est accumulée au fils des décennies. Depuis 50 ans, aucun gouvernement n'a présenté un budget à l'équilibre, voire excédentaire. En outre, la France a dû faire face à la crise financière de 2007-2008 et à la crise sanitaire provoqué par le Covid-19 (entre 44 et 69% de la hausse de l'endettement entre 2007 et 2023 peuvent être attribués aux crises selon une étude de l'Office français des conjonctures économiques - OFCE - publiée en 2024).

La France (l'État, la Sécurité sociale, les collectivités locales) emprunte donc année par année sur les marchés pour financer les différents déficits et pour rembourser ses prêts.

Recettes insuffisantes

Si la France a accumulé de la dette, c'est parce que ses recettes sont insuffisantes pour couvrir les dépenses publiques. En 2024, les dépenses publiques ont atteint 57,1% du PIB de la France. C'est la deuxième place derrière la Finlande (57,6%), la moyenne de la zone euro étant à 49,6%.

Les recettes de la France atteignent 51,3% du PIB en 2024, d'où le déficit. Ce ratio est supérieur à la moyenne de la zone euro (46,5%) mais inférieur à celui de la Finlande (53,2%).

Selon les prévisions de la loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, un retour du déficit public sous la barre des 3% du PIB – il s'est établi à 5,8% en 2024 – est prévu pour 2027, avec une dette publique à 108,1%. Ces projections ont cependant été annulées par le rapport d'avancement annuel 2025 qui prévoit un déficit sous la barre des 3% en 2029, avec une dette à plus de 117% du PIB.

La Cour des comptes, quant à elle, dans son rapport 2025 sur la situation et les perspectives des finances publiques, est plus réservée et note "une incapacité à maîtriser la dynamique de la dépense et plus encore à engager des efforts d'économies pérennes, ainsi que d'hypothèses trop favorables sur la croissance et les recettes".

Des risques certains

Selon les projections de la Commission européenne, la dette publique française devrait continuer à augmenter les prochaines années. À court terme, et malgré les légères dégradations de la note attribuée à la dette française par les principales agences de notation, elle juge faible le risque de non-soutenabilité budgétaire.  Selon la Commission, la dette française peut atteindre 142% du PIB en 2035, notamment à cause d'un solde primaire (solde hors intérêts de la dette) structurellement déficitaire.

60, 100 ou 150% du PIB%... À partir de quel niveau d'endettement faut-il craindre l'insoutenabilité ? Cela dépend du pays et du contexte. Dans la littérature scientifique, il n'existe pas de critère ou de seuil absolu à partir duquel la dette d'un pays devient insoutenable. De nombreux facteurs jouent un rôle : le taux d'intérêt, le taux de croissance, la structure de la dette (qui la détient et quelles sont ses maturités), la qualité des institutions nationales, les politiques économiques, le taux d'inflation, la conjoncture générale…

Si la dette augmente trop, le risque premier est la hausse des taux d'intérêt demandés par les créanciers; ce qui mécaniquement augmente le coût de la dette. Plus la dette est élevée, plus la charge d'intérêts est importante et plus l'excédent primaire nécessaire pour stabiliser la dette doit être élevé. Aujourd'hui, la charge de la dette – le remboursement des intérêts – représente environ 9,5% du budget de l'État, soit 55 milliards d'euros. Elle a doublé en cinq ans.

La Banque centrale européenne (BCE) interviendra-t-elle pour soutenir la France en cas de crise sur sa dette ? La France s'endette en euro qui est une monnaie partagée avec d'autres pays et gérée par la BCE. Cette dernière tiendra compte des analyses de la Commission européenne ou du FMI quant à la soutenabilité des finances publiques françaises.

Si la BCE a les moyens de soutenir les États en difficultés, on peut supposer qu'elle accorde son soutien sous conditions (adoption de mesures de redressement des comptes publics).

D’après les chiffres de la Banque de France, 53,2% des détenteurs de la dette française ne résident pas en France fin 2023. La part des non-résidents atteignait 70,6% fin 2009. Elle est descendue jusqu’à 47,9% fin 2021. Mais, elle était seulement de 28% fin 1999 avant la création de la zone euro.

La diversité des détenteurs de la dette française peut-être perçue comme un avantage, dans la mesure où elle met la France à l’abri d’un choc économique qui frapperait une zone géographique ou un type d’investisseur. Par ailleurs, une limitation de la diversité des investisseurs reviendrait à restreindre l’offre et à en renchérir son coût.

Toutefois, selon un rapport de l’Assemblée nationale, il existe un risque à accroître la part des non-résidents. Les investisseurs résidents et non-résidents ne sont pas dans la même situation vis-à-vis du pays dont ils détiennent des titres de dette. Les résidents sont considérés comme plus fiables et concernés.

   

Commentaires

Aucun commentaire

Ecrire un commentaire

Pour écrire un commentaire vous devez vous connecter à votre compte.

Si vous n'avez pas encore de compte nous vous invitons à vous inscrire gratuitement.

A lire