Que faire face à la désindustrialisation ?

La France peut-elle retrouver une vraie dimension industrielle ? Un rapport parlementaire propose des pistes à suivre.

Le nombre d’emplois industriels et la part de la valeur ajoutée industrielle dans le produit intérieur brut (PIB) ont été divisés par deux en 50 ans. L’emploi industriel connaît son apogée en 1974, occupant 5,4 millions d’actifs, soit près du quart du total des emplois. Alors que cette part était globalement stable depuis 1949, les décennies suivantes marquent un recul continu de la part de l’industrie dans l’emploi total et un effondrement de ses effectifs. Hormis quelques années d’embellie à la fin des décennies 1980, 1990 et 2010, le recul de l’emploi industriel est saisissant : entre 1974 et 2018 les branches industrielles ont perdu près de la moitié de leurs effectifs (2,5 millions d’emplois), l’industrie ne représentant plus aujourd’hui que 10,3 % du total des emplois. La part de la valeur ajoutée industrielle dans la valeur ajoutée totale, à prix courants, s’est également progressivement réduite avec un pic atteint dès 1952. En 2018, la part de l’industrie dans la valeur ajoutée s’établissait ainsi à 13,4 %.

Phénomène historique

Ce déclin de la part occupée par l’industrie est un phénomène historique corrélé avec le développement économique, qu’ont connu la plupart des économies développées dans la même période. Cependant, cette évolution globale vers la désindustrialisation est bien plus marquée en France que dans les économies comparables. La part occupée par l’industrie dans la production de richesses en France se révèle inférieure à la moyenne européenne (15,9 %) : l’industrie compte pour 25,8 % du PIB en Allemagne (dont 21,1 % pour l’industrie manufacturière), 19,7 % du PIB en Italie, 16,1 % en Espagne. La France se présente comme l’économie la plus désindustrialisée du G7 avec celle du Royaume-Uni.

Au sein de la zone euro, la part de la France dans la valeur ajoutée de l’industrie s’est sensiblement contractée, passant de 17,8 % en 2000 à 14,1 % en 2019. Seule l’année 2019 marque réellement une légère embellie vis-à-vis de nos partenaires de la zone euro. En volume, ce déclin est moins prononcé, passant de 15,7 % à 14,2 %, soit un niveau inférieur au déclin connu par l’industrie italienne et espagnole. Depuis 2009, moins de 9 000 emplois ont été rapatriés en France, soit 0,5 % de l’emploi créé. La stratégie de relocalisation doit consister non pas à revenir à l’industrie d’il y a vingt ans mais bien à construire l’industrie de demain

Pistes de travail

La crise sanitaire a montré que les pays les plus désindustrialisés pouvaient se trouver dans une inquiétante incapacité à répondre à des besoins essentiels. Ce constat fait, l’industrie européenne française doit garantir l’approvisionnement de l’économie et plus globalement du pays dans les biens essentiels à son bon fonctionnement.

L’industrie française rassemble 34 secteurs et 250 200 entreprises dont 176 900 relèvent du régime du microentrepreneur ou du régime fiscal de la micro-entreprise, selon l’Insee. Ces entreprises industrielles emploient 3,1 millions de salariés en équivalent temps plein (ETP), soit 25,1 % des salariés de l’ensemble des entreprises des secteurs principalement marchands non agricoles et non financiers. Les entreprises industrielles réalisent un chiffre d’affaires de 1 234 milliards d’euros et dégagent une valeur ajoutée de 319 milliards d’euros. Elles génèrent 31 % du chiffre d’affaires et 28 % de la valeur ajoutée de l’ensemble des secteurs, alors qu’elles ne représentent que 8 % des entreprises.

Face à ces questions, une commission d’enquête parlementaire s’est réunie pour « identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie ». Parmi les propositions émise, on peut relever certains points :

Développer la recherche en créant un statut de groupement d’employeurs spécifique dédié à l’embauche de doctorants dans le cadre d’une convention industrielle de formation par la recherche (CIFRE).

Mettre en place un instrument d’épargne populaire garanti destiné à l’investissement industriel national et européen.

Renforcer l’enseignement scientifique et technique et renouveler les approches pédagogiques dans le parcours scolaire et supérieur, afin que tous les élèves disposent de bases plus solides en mathématiques et en sciences.

Mieux organiser les relations entre donneurs d’ordres et ses sous-traitants, allant au-delà du devoir de vigilance.

Développer l’offre publique d’accompagnement des dirigeants des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) dans la définition des compétences nécessaires au développement et à la transformation numérique de leur activité.

Amorcer rapidement la constitution d’une filière européenne de production et d’utilisation des énergies renouvelables.

Prévoir la mise en place de mesures d’accompagnement spécifiques pour les TPE-PME dans le cadre de la mise en place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). 

Améliorer l’effort en faveur de la R&D avec pour objectif de dépasser les 3 % du PIB en développant en parallèle recherche publique et privée

Moduler le taux du crédit d’impôt recherche en fonction de la taille de l’entreprise plutôt qu’en proportion des dépenses de recherche et développement engagées.

Conditionner l’attribution d’aides publiques et le crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche (CIR) à la localisation des chaînes de production.

Augmenter la représentation des très petites, petites et moyennes entreprises au sein du Conseil national de l’industrie et des comités stratégiques de filière.

Conditionner les aides des différents plans d’investissement à des engagements en termes de localisation d’activités, d’emploi, de compétences et de partage équitable de la valeur.

Pérenniser les assouplissements mis en place pour le contrôle des aides d’État dans le cadre de la crise sanitaire.

Rendre systématique une « clause environnementale et sociale » dans les critères d’attribution des marchés publics et consacrer la possibilité d’une attribution de marchés publics fondée sur le respect de standards élevés de production.

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