Après l'euro physique, l'euro électronique, l'euro comme moyen de paiement et comme réserve de valeur, voici l'euro numérique. Ce projet de la Banque centrale européenne (BCE) et de la Commission européenne peut paraître surprenant.
Aujourd’hui, particuliers, entreprises et organismes publics utilisent l'euro sous deux formes : sa version physique : les billets et pièces émis par la Banque centrale européenne (BCE), qui constituent la monnaie fiduciaire ; sa version électronique via les cartes de paiement ou les virements et règlements dans le cadre de l'espace unique de paiement en euros (SEPA).
Le projet d'euro numérique vise à créer une monnaie numérique de banque centrale (MNBC) accessible à tous ceux qui ne sont pas des banques commerciales (particuliers, entreprises, administrations).
La Banque centrale européenne (BCE) mène ce projet depuis plusieurs années. Elle a lancé une phase d'étude en 2021, puis une phase préparatoire en novembre 2023. La BCE ne se prononcera sur la possible émission d'un euro numérique qu'une fois la législation correspondante adoptée.
Le marché des paiements digitaux est aujourd'hui largement dominé par des acteurs extra-européens. Visa et Mastercard couvrent plus de 70% des paiements par carte en Europe. Cette dépendance peut encore s'accentuer avec le développement de solutions de paiement mobile ou des projets de monnaie privée ou encore par la montée en puissance des cryptomonnaies.
L'euro numérique est présenté comme un moyen de limiter la dépendance aux opérateurs privés et d'offrir une solution européenne de moyen de paiement infaillible et sûre. Il constituerait une protection pour l'Europe, notamment en cas de crise, et renforcerait la souveraineté en matière de paiements en Europe.
Question de souveraineté
Il n'est pas destiné à se substituer à la monnaie physique (elle resterait disponible comme les autres moyens de paiement électroniques privés existants). Il est une réponse à la préférence croissante pour des paiements numériques rapides et sûrs au détriment de l'usage de l'argent liquide.
Il aurait un cours légal (son acceptation serait obligatoire) et serait utilisable partout en zone euro et simple à utiliser. Mais c'est surtout la sécurité des paiements qui peut constituer son principal avantage, notamment par rapport aux cryptomonnaies, mais également aux paiements par carte, la BCE garantissant sa valeur.
Par ailleurs, les paiements par euro numérique seraient traçables et confidentiels, ce qui peut réduire les risques de fraude ou de blanchiment. La proposition de règlement de la Commission prévoit un niveau renforcé de protection de la vie privée. Les données personnelles ne seraient pas visibles par la BCE. Ainsi l'euro numérique s'approche le plus possible d'une version digitale des espèces.
Pour les entreprises et les commerçants, l'euro numérique pourrait représenter une réduction de leurs coûts, puisqu'ils ne seraient plus soumis aux opérateurs de cartes bancaires qui prélèvent des frais élevés sur chaque transaction.
Du côté des intermédiaires financiers (les banques notamment), l'euro numérique suscite en revanche des craintes. La conversion massive de dépôts en euro numérique (c'est le risque de fuite des dépôts) pourrait éroder leurs sources de financement et même se répercuter sur le canal du crédit en diminuant la quantité de prêts accordés.
La BCE et les banques centrales nationales seraient chargées de l'émission de l'euro numérique. Il serait ensuite distribué par les banques commerciales. Son utilisation pour les particuliers serait gratuite. En revanche, il ne pourrait pas être rémunéré ni positivement ni négativement. Un particulier pourrait ainsi avoir en plus de son compte courant un compte en euros numériques. L'euro numérique pourrait être obtenu en convertissant des espèces ou des dépôts.
La BCE précise : « La première étape consisterait à créer votre portefeuille en euros numériques, via votre banque ou un bureau de poste. Vous pourriez alors l'alimenter, depuis un compte bancaire lié ou en y déposant des espèces. Il ne vous resterait plus qu'à effectuer vos premiers paiements en utilisant les euros numériques disponibles dans votre portefeuille. Lorsque vous recevrez des euros numériques, vous pourrez les conserver dans votre portefeuille numérique, jusqu'à un montant maximal, ou les déposer sur votre compte bancaire. Vous pourriez choisir de le faire manuellement ou automatiquement ».
Si la Commission européenne et la BCE sont très favorables au projet d'euro numérique, il n'est pas certain que les citoyens le perçoivent de la même manière. Une étude de la BCE publiée en mars 2025, portant sur 19 000 personnes dans 11 pays de la zone euro, montre que les citoyens des pays européens ne voient pour l'instant pas l'utilité d'une monnaie banque centrale numérique. Ils sont plutôt satisfaits des alternatives existantes. Par ailleurs, certains aspects pratiques tels que le plafonnement des comptes en euros numériques pourraient faire hésiter particuliers et entreprises.
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