Les ravages de la fast-fashion

L’industrie textile française a perdu plus de 300 000 emplois depuis 1990. Cette crise sectorielle s’explique notamment par l’arrivée de la fast fashion et, plus récemment, de l’ultra fast fashion et de leurs plateformes numériques, qui proposent chaque jour des milliers de nouveaux modèles à bas coûts.

Le marché de l’habillement est porté par une minorité de gros consommateurs (entre 20% et 25% de la population) – surreprésentés parmi une population jeune et urbaine, très sensibles à la dimension identitaire, esthétique, des vêtements et au fait de renouveler régulièrement leur garde-robe. Si les achats en ligne progressent dans le secteur de l’habillement, comme dans l’ensemble de la consommation des ménages, on note que les boutiques restent le lieu d’achat privilégié en ce qui concerne les vêtements, chez les plus âgés mais également parmi les plus jeunes.

Hors accessoires et sous-vêtements, les Français achètent en moyenne, dans le cadre de leur consomma on personnelle (hors cadeaux et achats pour les enfants) 13 pièces d’habillement chaque année. Plus de la moitié des vêtements dont disposent les Français dans leurs placards sont stockés mais ne sont plus utilisés (ils constituent un « stock dormant »). Au sein de ce stock dormant, environ 120 millions de vêtements achetés il y a plus de 3 mois et encore à l’état neuf (pas du tout portés ou pas plus d’une fois ou deux) sont stockés dans les placards des Français.

Faire le tri

Les achats de vêtements sont caractérisés par des erreurs récurrentes, aboutissant à un nombre de portées nul ou très limité, deux fois plus fréquents chez les consommateurs adeptes des plateformes d’ultra fast fashion. Si 35% des Français jugent que la quantité de vêtements qu’ils possèdent tend à excéder leurs besoins, seuls 19% considèrent que les achats qu’ils réalisent chaque année sont excessifs (qu’ils pourraient « acheter moins de vêtements »). La remise en question de sa consommation de vêtements porte davantage sur le stock, les volumes accumulés au cours des années (et en creux, l’idée de faire davantage de tri dans ses placards), que sur les flux, le volume des achats réalisés chaque année.

Bien au-delà du strict besoin fonctionnel, les achats de vêtements sont fréquemment décrits comme relevant de besoins de sociabilité voire d’intégration, d’identification, de distinction ou encore d’un plus simple besoin de « se sentir bien » dans ses vêtements. Malgré les stocks accumulés et parfois désignés comme excessifs, les achats de vêtements continuent d’être décrits comme relevant d’une forme de besoin à assouvir.

Dans le cadre de leur consommation de vêtements personnelle, près d’un Français sur deux (45%) s’approvisionne dans au moins une enseigne assimilée à de la fast fashion de première génération (H&M, Zara, Primark étant les enseignes les plus emblématiques et les plus fréquentées de ce segment de l’offre). L’ultra fast fashion, distribuée exclusivement en ligne sur des plateformes telles que Shein, Temu, Asos, ou encore Boohoo, touche une part plus réduite des consommateurs (24%). Il s’agit d’un public majoritairement féminin (70% de femmes pour seulement 30% d’hommes), significativement plus jeune que la moyenne (38 ans d’âge moyen contre une moyenne nationale de 46 ans ; les plus de 55 ans sont presque complètements inexistants au sein de la clientèle de ces enseignes), surreprésenté parmi les ménages relativement modestes.

De l’ultra fast fashion à la seconde main

Les consommateurs d’ultra fast fashion sont deux fois plus nombreux que la moyenne à pointer comme critère de choix de leur enseigne principale le fait de pouvoir « acheter beaucoup de vêtements, les renouveler souvent ». La part affirmant que leurs achats de vêtements ont augmenté depuis qu’ils fréquentent leur enseigne principale est également près de deux fois plus élevée que ce qu’on observe dans le reste du secteur. La propension aux « achats-erreurs » (achats regrettés que les consommateurs n’ont ensuite que très peu portés, voire pas du tout) est particulièrement répandue dans les enseignes d’ultra fast fashion : ils concernent près d’un consommateur sur deux (45%) dont 18% pour qui ces erreurs sont arrivées à plusieurs reprises sur une période d’un an.

Le recours au marché de la seconde main pour la consommation de produits d’habillement concerne près d’un Français sur deux (42%). Dans la très grande majorité des cas, ce marché s’organise désormais via les plateformes en ligne : 87% des acheteurs / vendeurs de vêtements de seconde main passent par au moins une plateforme en ligne pour réaliser leurs achats / reventes. Sur ce créneau des achats / reventes de vêtements de seconde main en ligne, Vinted occupe une position de leader incontesté. La plateforme capte à elle seule plus de 90% des personnes qui passent par Internet pour leurs achats / reventes de vêtements d’occasion. Loin devant Leboncoin (29%), malgré son ancienneté sur le créneau plus généraliste de la seconde main et très loin devant les autres acteurs du marché.

Le budget consacré à l’achat de vêtements d’occasion (en moyenne 115 euros par an et par consommateur de vêtements de seconde main) représente une part minoritaire (en moyenne 30%) du budget total d’habillement des consommateurs concernés. L’essentiel du budget de ces consommateurs de seconde main reste donc majoritairement consacré au marché du neuf.

Les clients des enseignes d’ultra fast fashion étant surreprésentés parmi les usagers des plateformes de seconde main, il n’est pas étonnant de retrouver des produits issus de ces enseignes sur le marché de l’occasion. Les produits revendus sur les plateformes de seconde main ont en moyenne été très peu portés et sont loin d’avoir vécu une première vie complète. C’est particulièrement le cas des chaussures (55% ont été portées moins de 5 fois) et c’est un peu moins des pantalons (37%). Les produits revendus sur ces plateformes dans leur ensemble auraient vécu entre 19% et 30% d’une première vie « normale » pour un vêtement. Les vêtements ayant véritablement « vécu », et montrant des signes apparents d’usure, ne sont que rarement revendus.

(Source : étude ADEME « Analyse des pratiques liées aux achats de produits d’habillement »)


   

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