L’emploi en panne sèche

Le nombre de projets de recrutement devrait s’effondrer cette année. 

Le ralentissement du marché de l’emploi se confirme. En 2025, les entreprises prévoient 2,43 millions de recrutements, soit une baisse de 12,5 % par rapport à l’an dernier. Concrètement, ce sont 350 000 projets de moins qu’en 2024 — un niveau jamais atteint depuis six ans, comme le montre l’édition 2025 de l’enquête BMO (Besoins en Main-d’œuvre) de Pôle Emploi


Premier élément d’analyse : cette chute s’explique par un contexte économique particulièrement transitoire, marqué en fin d’année 2024 par l’absence de budget voté au niveau national, ainsi que par un contexte international incertain. Autre indicateur en recul : la part des établissements ayant l’intention d’embaucher diminue elle aussi, passant de 28,2 % en 2024 à 24,1 % cette année. 


« En 2022 et 2023, les projets de recrutement ont atteint des niveaux record, avec le fort redémarrage de l’économie après la crise sanitaire. On observe en effet depuis l’an passé une baisse du nombre de projets de recrutement, dans un contexte conjoncturel nettement moins dynamique. On retrouve donc les niveaux de la fin de la décennie passée, bien supérieurs à ceux du milieu des années 2010, mais qui manifestent un fort ralentissement de l’activité », indique Cyril Nouveau, directeur général adjoint ad intérim en charge des études, de l’audit et du contrôle interne chez France Travail. 


Autre enseignement majeur de l’enquête BMO 2025 : la baisse du nombre de projets d’embauche concerne tous les secteurs. Certes, celui des services aux particuliers reste le principal pourvoyeur d’emplois avec 1 million de projets en 2025, soit 41,2 % des intentions d’embauche. Toutefois, celles-ci reculent de 8,4 % par rapport à l’année précédente. Les services aux entreprises affichent une dynamique plus négative encore, avec 564 000 projets recensés, en repli de 15,2 %. Le commerce, de son côté, enregistre une baisse de 13 %, tandis que la construction signe l’une des plus fortes chutes, avec un recul de 22 %.  


Enfin, dans l’industrie, les intentions d’embauche diminuent de 16,5 %, avec des baisses particulièrement sévères dans les sous-secteurs du textile, habillement, cuir et chaussures (-33,5 %) ainsi que dans les industries extractives, l’énergie et la gestion des déchets (-29,8 %). 


Construction, industrie, mais aussi services aux entreprises, parmi les plus sévèrement touchés par ces perspectives moroses « sont traditionnellement plus sensibles à la conjoncture. En période de ralentissement, ils sont donc les plus affectés par la réduction des intentions d’embauche », explique à ce propos Cyril Nouveau. 
 
L’agriculture et l'hôtellerie-restauration en tête des métiers les plus recherchés 
Par ailleurs, c’est du côté de l’agriculture et de l'hôtellerie-restauration que l’on constate les plus gros volumes de projets d’embauches par métiers.  Ces derniers « sont traditionnellement les plus “demandés” en nombre de projets de recrutement. Il faut cependant garder en tête que les projets de recrutement y sont en très grande partie saisonniers : c’est le cas de 65 % des 107 800 projets de recrutements de serveurs, de 95 % des 86 300 projets de recrutement de viticulteurs et de 82 % des 93 000 projets de recrutement d’agriculteurs. », pointe Cyril Nouveau.  


Dans le détail, les métiers de l’hôtellerie-restauration recrutent principalement pour les fonctions suivantes :  
•    Serveurs de cafés et restaurants (107 800 projets) 
•    Aides de cuisine et employés polyvalents de la restauration (103 400 projets) 
•    Cuisiniers (56 800 projets)  
•    Employés de l’hôtellerie (52 400 projets) 


L’enquête BMO évalue également les difficultés de recrutement. Sur ce plan, les nouvelles tendances se révèlent bien plus positives. Après plusieurs années sous pression, les employeurs anticipent globalement une baisse notable des difficultés d’embauche. Ainsi, la moitié des projets (50,1 %) sont jugés difficiles, contre près de 60 % l’an dernier. Une accalmie bienvenue après les pics observés entre 2022 et 2024, après la reprise ayant suivi l’épidémie de Covid-19. 


Là encore, l’ensemble des secteurs connaissent une évolution similaire. L’immobilier enregistre la plus forte décrue des difficultés de recrutement (-11,8 points), suivi des services techniques et administratifs (-10,7 points), de la construction (-10,3 points), du commerce de détail (-9,4 points) et de l’hébergement-restauration (-9,0 points).  


Pour autant, certaines filières restent sous tension : dans le commerce et la réparation automobile, près de 7 projets d‘embauches sur 10 sont jugés difficiles à concrétiser (69,7 %). Même constat dans l’industrie manufacturière (68,3 %), la construction (66,1 %) ou encore la santé et l’action sociale (63 %). 


Recruter des ouvriers qualifiés, des artisans, des soignants reste compliqué 


Malgré tout, certaines professions continuent de cristalliser les tensions. Dans le bâtiment, plus de 8 recrutements de couvreurs sur 10 sont jugés difficiles (82,4 %). Même tendance pour les charpentiers (78,3 %) ou les ouvriers spécialisés en travaux d’étanchéité, d’isolation ou de façade (73,4 %). 


Côté industrie, les profils qualifiés se font également rares. 80,2 % des projets de recrutement d’ouvriers en chaudronnerie ou tôlerie sont anticipés comme difficiles, tout comme les postes en conduite d’équipements d’usinage (79,8 %) ou en maintenance électrique et électronique (79,1 %). Dans les garages, les carrossiers (80,8 %) et mécaniciens (74,0 %) restent eux aussi très recherchés. 
Le secteur du soin lui aussi, demeure sous tension. Les aides à domicile sont parmi les plus difficiles à recruter (80,4 %), tout comme les professionnels paramédicaux (75,1 %), les médecins (74,9 %), les pharmaciens (70,9 %), les dentistes (68,1 %), ou encore les infirmiers et sages-femmes (67,3 %). 


Cyril Nouveau souligne : « Cela étant, on observe une hausse du nombre de projets de recrutement d’aides-soignants, ou d’infirmiers et sage-femmes. Ces métiers font partie de ceux pour lesquels les besoins à moyen terme sont les plus importants. Dans un contexte de vieillissement de la population qui engendre des besoins de santé et d’accompagnement particuliers, ces besoins restent élevés. Ces métiers étant réglementés et la main-d’œuvre disponible étant peu nombreuse, ils font traditionnellement partie de ceux où les difficultés de recrutement supérieures à l’ensemble des métiers. » 


Enfin, un retournement de tendance peut être observé sur le plan des types de contrats envisagés. La part des projets de recrutements en contrats à durée déterminés (CDD) recule. Plus flexibles, ces modalités de recrutement tendent à subir en premier les effets des fluctuations économiques. Ainsi, ceux de six mois ou plus passent de 22,6% à 19.5% ; tandis que les contrats de moins de 6 mois ne représentent plus que 36.7% des projets de recrutements en 2025, contre plus de 39% l’année précédente. Ils étaient alors supérieurs aux projets en CDI. Ces derniers progressent nettement pour atteindre 43,8 % cette année, en hausse de 5,5 points par rapport à 2024.  

   

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