Finances publiques : une reprise de contrôle "impérative" estime la Cour des comptes
Le déficit public s'est dégradé en 2023 de 0,6 point de produit intérieur brut (PIB), de façon inattendue. En 2024, de nouveau le déficit se creuse de 0,4 point de PIB, pour s'établir à 5,8%, soit 168,6 milliards d'euros (Md€).
Cette nouvelle dérive ne doit rien à des "circonstances extérieures" selon la Cour des comptes, mais elle est due plutôt à des hypothèses trop favorables sur la croissance et les recettes de la part du gouvernement et une incapacité à maîtriser la dynamique de la dépense et à engager des efforts d'économies pérennes.
Si la Cour des comptes déplore cette incapacité à contenir la dépense publique sur 2024, conduisant au déficit le plus élevé de la zone euro, elle apporte, dans son rapport annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques, ses recommandations sur un objectif de retour du déficit sous 3% du PIB à rendre crédible ; un retour durable à un excédent "primaire" (c'est-à-dire au moment où la dette cesse d'augmenter), condition de la soutenabilité de la dette publique.
Une incapacité à contenir la dépense publique
Le déficit public en 2024 présente un écart de 1,4 point par rapport à la programmation initiale de l'automne 2023.
Principale explication, une forte progression du cœur de la dépense publique. La dépense publique, hors charge de la dette et mesures exceptionnelles, augmente de 2,7% en volume, soit deux fois plus vite que la croissance économique.
Cette perte de contrôle est imputable à la dépense : des administrations locales (+2,7% en volume) ; des administrations de sécurité sociale (+3,3% en volume), notamment du fait de la revalorisation décalée des pensions sur une inflation 2023 très élevée.
Cette progression de la dépense annule l'impact favorable de la quasi-extinction des mesures exceptionnelles de soutien énergétique.
Dans le même temps, la charge de la dette augmente sous l'effet du déficit 2023 et du refinancement progressif de l'encours de la dette à des taux plus élevés.
En 2024, la dynamique spontanée des prélèvements obligatoires (TVA, impôt sur les sociétés, impôt sur le revenu…) a de nouveau été très inférieure à la croissance, mais atténuée par des hausses d'impôts.
Un objectif de réduction du déficit à crédibiliser
La Cour des comptes souligne que la réduction du déficit prévue en 2025, encore fragile, repose exclusivement sur : d'importantes hausses d'impôts, dont près de la moitié seraient temporaires et des prévisions de recettes reposant sur des prévisions moins prudentes que dans la loi de finances initiale.
Les objectifs d'évolution des dépenses publiques sont "insuffisants" pour réduire le déficit, voire incertains, en l'absence de mécanisme incitatif ou contraignant pour les collectivités locales comme pour les dépenses de santé.
La maîtrise des dépenses de l'État passe par des mesures de gestion des crédits en l'absence de réformes pérennes. Selon la Cour, les efforts structurels d'économies ont été reportés et ne sont pas précisés dans la stratégie pluriannuelle publiée en avril 2025, visant à ramener le déficit public à 4,6% en 2026 et sous les 3% en 2029.
Les prévisions de la Cour conduisent à une augmentation du ratio de dette publique sur la seconde moitié de la décennie. Pour la Cour, "il est donc urgent de rendre crédibles les prévisions pour 2025 et 2026".
Comment assurer la soutenabilité de la dette publique ?
La soutenabilité de la dette publique, selon la Cour des comptes, nécessite que le ratio d'endettement se stabilise et n'augmente pas en continu. Depuis près de vingt ans, la dynamique de l'endettement français a été alimentée par l'accumulation de déficits alors que, dans le même temps, la croissance s'érodait.
Aucun investissement ni aucune dépense de nature à augmenter le potentiel de croissance n'ont été proposés en contrepartie d'une dette et de déficits croissants. Cette dette et ces déficits croissants ont d'abord financé la hausse des dépenses courantes, liées au vieillissement de la population ou du modèle social.
Le contrôle de la dynamique de la dette ne peut plus reposer sur la croissance des décennies passées ni sur des taux d'intérêts très bas. Les projections de la Cour montrent que même l'engagement de ramener le déficit public sous les 3 points de PIB en 2029 ne suffirait pas à garantir la soutenabilité de la dette. Il faudrait poursuivre l'effort jusqu'à obtenir un excédent primaire durable de 1,1 point de PIB, ce qui n'est plus arrivé depuis 25 ans.
En conclusion, la Cour des comptes préconise des "ajustements budgétaires très exigeants", dès à présent, d'autant plus difficiles qu'ils doivent être socialement acceptables et ne pas porter atteinte au potentiel de croissance.
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