L’accompagnement, cet oublié

16 propositions pour renforcer l’anticipation, l’accompagnement et la prévention des difficultés pour les entreprises

Le Médiateur des entreprises et le Médiateur national du crédit viennent d’achever une mission conjointe destinée à faire le point sur les dispositifs mis en œuvre dans l’accompagnement des entreprises, notamment celles rencontrant des difficultés, et sur les adaptations éventuelles à apporter à ces outils. 


La mission a élaboré une « Boite à outils du dirigeant » et réalisé un tour de France qui lui a permis, au travers de 25 réunions sur le territoire métropolitain, d’aller à la rencontre des entreprises françaises et de tous les acteurs publics et privés de l’accompagnement. 


Ces déplacements ont permis d’échanger avec des chefs d’entreprise qui ont traversé de multiples crises durant ces dernières années. Ils se sont montrés résilients et se sont adaptés à un environnement toujours plus tendu. Ils ont, bien sûr, largement bénéficié des dispositifs publics mis en place, qui ont permis de sauvegarder des activités et des emplois. Toutefois, ils sont aujourd’hui plongés dans une incertitude accrue, du fait d’une croissance ralentie qui pèse sur les perspectives d’activité et d’investissement pour 2025. De surcroît, bien que fortement mobilisés, les acteurs économiques publics et privés font face à la difficulté d’accompagner les TPE-PME qui ignorent, trop souvent, les nombreux dispositifs mis à leur disposition pour les aider. Ces dispositifs sont pourtant conçus pour permettre une gestion anticipée des difficultés, au travers d’actions préventives qui s’avèrent efficaces lorsqu’elles sont mobilisées suffisamment tôt.

Frein culturel

 
Les constats des deux médiateurs rejoignent, également, ceux établis dans différents rapports qui ont énoncé des explications à une prévention insuffisamment efficace : un frein culturel issu de la honte de l’échec, qui conduit à une situation de déni. Au surplus, l’absence d’informations prévisionnelles de trésorerie laisse le chef d’entreprise dans une forme d’ignorance. Au-delà, les outils d’aide aux entreprises sont souvent mis en œuvre par des entités qui effraient les chefs d’entreprise et génèrent de l’inquiétude sur la conséquence de leur mobilisation. En effet, une confusion s’établit dans les diverses missions de ces entités, conduisant à les assimiler à des structures dont la seule vocation serait de contraindre et sanctionner. 


Ces constats conduisent aujourd’hui à formuler 16 recommandations, avec trois axes plus particulièrement prioritaires : Éviter d’aggraver la situation financière des TPE-PME qui sont pénalisées par de mauvais comportements de paiement. Les retards s’accroissent en effet, pour atteindre près de 14 jours fin 2024. Une nouvelle impulsion est donc indispensable, via une évolution des sanctions pour les mauvais payeurs, qui pourrait être expertisée (éventuellement en pourcentage du chiffre d’affaires et non plus plafonnées à 2 millions d’euros) ; Renforcer l’articulation des différents acteurs permettant des actions coordonnées afin d’assurer une meilleure orientation des entreprises en créant des dynamiques conjointes territoriales entre les acteurs de l’accompagnement ; Faire évoluer les dispositifs en prévoyant des informations systématiques des entreprises sur les dispositifs disponibles, dès la création ou lors de tout incident détecté par les différents acteurs, notamment les experts comptables et les banques lorsqu’elles estiment qu’une entreprise présente un risque de défaut de paiement. Au global, les entreprises françaises peuvent bénéficier de l’appui de nombreux acteurs, qui mettent en œuvre des dispositifs de prévention efficaces. Les recommandations formulées, issues de constatations réalisées sur le terrain, s’attachent donc à renforcer cette efficacité. Très concrètes et opérationnelles, elles ne génèrent aucune dépense nouvelle et ne nécessitent la création d’aucune structure supplémentaire.


Recommandation n° 1 : Développer les analyses et la communication relatives aux dispositifs préventifs mis en œuvre au profit des entreprises en difficulté. Recommandation n° 2 : Envisager de modifier le régime des sanctions pour retards de paiement, en évaluant l’impact d’une amende fondée sur le pourcentage du chiffre d’affaires des entreprises. 
Recommandation n° 3 : Inciter les chefs d’entreprise à se former, au moment de la création ou de la reprise d’entreprise, en leur permettant d’obtenir l’Aide à la création et à la reprise d’entreprise (ACRE) sous condition de formation. 
Recommandation n° 4 : Sensibiliser à l’usage des outils comptables de base (tableaux de bord, plan prévisionnel de trésorerie, ratios, etc.) en fonction de la taille de l’entreprise. 
Recommandation n° 5 : Valoriser les outils de diagnostic et d’autodiagnostic, accessibles en ligne, permettant d’anticiper d’éventuelles difficultés et de se faire aider le plus en amont possible. 
Recommandation n° 6 : Maintenir / renforcer l’action des comités départementaux d’accompagnement et de soutien des entreprises en difficulté (CDASED) comme facteur de mobilisation de l’écosystème. 
Recommandation n° 7 : Mettre en avant l’éventail des dispositifs offerts aux chefs d’entreprise pour les accompagner dans la gestion de leur entreprise (par exemple, la réduction des délais de paiement) et les informer de l’existence des acteurs et outils d’accompagnement des entreprises en difficulté, notamment en communiquant autour de la « boîte à outils » du dirigeant. 
Recommandation n° 8 : Renforcer l’articulation des différents acteurs, permettant des actions coordonnées afin d’assurer une meilleure orientation des entreprises et un « parcours usager » plus fluide, notamment en créant des « équipes territoriales » entre les acteurs de l’accompagnement, animées au niveau régional, pour tenir compte des spécificités locales. 
Recommandation n° 9 : Rédiger et déployer une « Charte de confiance » entre les représentants des chefs d’entreprise et les différents acteurs impliqués, pour conforter le rôle des pairs et encourager les chefs d’entreprises à s’appuyer sur ces derniers pour mobiliser les acteurs publics et privés concernés. 
Recommandation n° 10 : Développer une communication adaptée sur l’écosystème mis à la disposition des entreprises au moyen de témoignages (écrits ou filmés) de pairs ayant bénéficié de ces accompagnements. 
Recommandation n° 11 : Développer les démarches systématiques d’information des chefs d’entreprise, ainsi que de tous les partenaires qui les suivent au quotidien : - À la création, sur l’importance de l’accompagnement, l’existence de formations, la nécessité de disposer d’outils de pilotage ; - Sur les dispositifs d’accompagnement, proposés par les acteurs publics ou institutionnels, lors de tout « incident » (retard ou non dépôt des comptes, impayé bancaire, fiscal, social, honoraires...) ou recours aux mesures d’aides. 
Recommandation n° 12 : Sensibiliser les partenaires et acteurs de l’accompagnement des entreprises sur l’exercice illégal d’expert-comptable. 
Recommandation n° 13 : Sans aller vers l’instauration d’un devoir d’alerte, faire en sorte que l’expert-comptable informe systématiquement les chefs d’entreprise des dispositifs existants à l’ouverture de la relation (accompagnement, formations, outils de pilotage, …) et lors de toute difficulté (retard dans la transmission des informations pour établir les états financiers, situation dégradée, etc.). 
Recommandation n° 14 : Examiner les modalités de création, de financement et de gestion d’un fonds pour intervenir au profit des TPE-PME (selon des critères à définir) qui n’ont pas les ressources suffisantes pour payer des prestations de conseils des experts comptables. 
Recommandation n° 15 : Prévoir une obligation d’information du chef de l’entreprise lorsqu’une déclaration de défaut est faite à la Banque de France, se traduisant par un dialogue renforcé avec sa banque sur l’analyse de la situation de l’entreprise. 
Recommandation n° 16 : Examiner les modalités de mises en œuvre des recommandations du rapport Bourbouloux, notamment sur la réforme du livre VI du code de commerce. 
 
 

   

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