La bière Française boit la tasse

La filière de la bière connait un mouvement de tassement, malgré les efforts des brasseries locales. 

Avec plus de 2 500 brasseries recensées sur le territoire, la France dépasse le Royaume-Uni et occupe de loin le premier rang en Europe. Face à l’engouement pour les bières artisanales et locales, une multitude de microbrasseries a en effet fleuri dans le pays depuis 2014. Sauf que la dynamique s’est enrayée en 2022. Sous l’effet de la dégradation de l’environnement économique, les créations d’entreprises dans le secteur ont de fait plongé et les défaillances explosé, selon une étude du groupe Xerfi.  Dans ce contexte, un écrémage de la filière brassicole semble inévitable.

Et si l’Hexagone est l’un des premiers producteurs mondiaux d’orge et de malt, il ne se classe qu’en septième position des producteurs européens de bière. Après des années de forte croissance, les volumes de bière écoulés sur le marché domestique sont passés en 2024 sous la barre des 24 millions d’hectolitres tous circuits confondus, derrière l’Allemagne, le Royaume-Uni ou même l’Espagne et la Pologne. Dotés d’une forte tradition brassicole, ces pays peuvent aussi se prévaloir de marchés intérieurs conséquents grâce à une consommation individuelle élevée (plus de 90 litres par an outre-Rhin contre seulement 33 litres en France). En GMS, les ventes (plus de 5 milliards) ont reculé l’an dernier de 2% entre les pressions sur le pouvoir d’achat, une météo défavorable et un manque d’innovations. Et ce, malgré l’Euro de football et les Jeux olympiques.

 
Nouveaux segment
 

Autrefois boisson populaire, la bière est certes désormais perçue comme conviviale et branchée. Les changements d’habitude des jeunes générations, qui ont délaissé le vin au profit de la bière, et l’émergence de nouveaux segments, avec l’arrivée des sans alcool, aromatisées et autres craft beers, ont de fait dynamisé le rayon. La percée des bières artisanales en particulier a incité les grands industriels à sortir de leurs stratégies de volume pour miser sur l’innovation et la montée en gamme.    

Mais après une décennie de croissance spectaculaire, l’activité de l’industrie de la bière progressera de seulement 1% par an en 2025 et 2026 (contre +6% par an en moyenne entre 2014 et 2024) pour s’établir autour de 7 milliards d’euros (dont 5 milliards en grandes surfaces alimentaires et 2 milliards dans les circuits hors domicile. La demande se maintiendra dans les CHR mais continuera de reculer en grande distribution. C’est d’autant plus vrai qu’aucun événement sportif majeur ne viendra soutenir la consommation. Les brasseurs ne pourront pas non plus miser sur de nouvelles hausses de tarifs dans un contexte de détente des coûts de production. L’érosion du tissu industriel va en outre persister. La fermeture de nombreuses brasseries artisanales et la disparition de certains sites historiques accentueront cette tendance. A titre d’exemple, Heineken prévoit d’arrêter la production de la Brasserie de l’Espérance à Schiltigheim (Bas-Rhin) d’ici fin 2025.  

Partenariats de distribution


Face aux signes de saturation du marché, les industriels redoublent d’efforts. Ils se positionnent entre autres sur des segments en croissance comme les craft beers, les bières sans alcool ou les bières aromatisées. Certains misent sur le e-commerce pour toucher de nouveaux profils de consommateurs et approfondir leur connaissance client grâce aux données collectées. Heineken et AB InBev ont ainsi revisité leur approche du commerce en ligne pour se concentrer sur la vente de tireuses et de fûts compatibles. Pour positionner la bière comme une véritable boisson de table, les brasseurs doivent communiquer autour des accords entre les mets et la bière mais aussi davantage mettre en avant leur offre dans les établissements de restauration rapide.    

Pour renforcer leur visibilité et étendre leur diffusion, les brasseries artisanales ont pour certaines d’entre elles choisi de nouer des partenariats de distribution avec des brasseries industrielles. Carlsberg distribue ainsi les bières de la Brasserie Pietra, de la Brasserie du Pays Basque ou encore de la Brasserie du Pays Flamand. Pour assurer une meilleure diffusion de leur offre tout en conservant leur indépendance, les brasseries artisanales peuvent également mutualiser leurs forces de vente dans des structures ad hoc, comme The Beers Family. Développer leur propre réseau de bars est aussi une piste à explorer. Cela permet aux brasseries artisanales de diversifier leurs sources de revenus mais aussi de sécuriser une partie des débouchés et de renforcer la visibilité de la marque.  

 

Aujourd’hui, les brasseries artisanales représentent environ 10% du marché domestique. Des TPE-PME, positionnées sur les MDD pour la plupart, tentent de tirer leur épingle du jeu. Toutefois, les trois géants de l’industrie brassicole trustent sans conteste les premières places du marché en France comme dans le monde. Leader des ventes en GSA avec près de 30% des parts de marché, le Néerlandais Heineken (Heinekn, Desperados, Pelforth…) devance le Danois Carlsberg (24%) tandis que le numéro un mondial AB InBev (16,5%) ferme la marche. Les trois géants, qui cumulent près de 70% des ventes en valeur en GSA, verrouillent les circuits RHF via les « contrats brasseurs ». Conclus pour trois à dix ans, ces accords offrent aux cafés et restaurants une aide financière ou matérielle (mobilier, équipements…) en contrepartie d’une exclusivité sur la vente de leurs produits.     

   
 

Commentaires

Aucun commentaire

Ecrire un commentaire

Pour écrire un commentaire vous devez vous connecter à votre compte.

Si vous n'avez pas encore de compte nous vous invitons à vous inscrire gratuitement.

A lire